‘’ L’ACIER RETREMPE ’’* ITINERAIRE DE MAHMOUD LATRECHE. Par Boumediene LECHLECH.

PREAMBULE:
Dans ce petit résumé des mémoires du dirigeant communiste -vétéran du MOCI-, le regretté Mahmoud LATRECHE, je vais tenter aussi de prendre en considération toutes les notices biographiques existantes écrites sur lui jusque-là, pour une révision de certains aspects, qui confrontées aux mémoires publiés par l’Institut des Etudes Palestiniennes, et présentés par l’historien palestinien Maher ECHARIF s’avèrent incorrectes. La seule biographie comportant des appréciations fausses et malintentionnées signée René Gallissot trouvera dans ce livre un cinglant démenti par la dimension d’un grand et modeste dirigeant du mouvement ouvrier et communiste arabe et international.(1)
Tout d’abord j’estime que la direction sortante du PAGS assume l’entière responsabilité dans la non-publication de l’ensemble des mémoires de ce vétéran révolutionnaire jusqu’en 1990. Celle du PADS, dont deux membres (Boualem KHALFA et feu Abdelhamid BENZINE), à ma connaissance, détiennent les copies des manuscrits, a la responsabilité de les publier. Il est inconcevable que ces mémoires demeurent dans les tiroirs presque 35 années sans être mis à la portée de militants des nouvelles générations et des historiens. Alors qu’à la simple lecture d’une partie seulement relative à la Palestine, à l’Orient, à l’URSS et à l’Europe…, on se rend compte d’un trésor inouï, d’une richesse immense en matière de luttes multiformes, d’organisation politique, d’expérience militante dans des contextes variés et de véritables cours magistraux d’histoire du mouvement de libération nationale et communiste arabe. La partie relative à son activité au sein du Komintern à Moscou en URSS de 1936 à 1938 mérite d’être traduite dans son intégralité et lue telle qu’elle, en raison de son importance et vu son témoignage capitale et sa critique sur les purges staliniennes, loin de tout anticommunisme et opportunisme petit-bourgeois et khroutchevien, dans la perspective de la consolidation du communisme sur la base du socialisme scientifique (marxisme-léninisme).(2)
Pour ceux qui maîtrisent bien la langue arabe, la lecture de l’ensemble des mémoires restera irremplaçable. Ce petit résumé ne nous donne qu’un aperçu global du contenu du livre et ne permet pas de bien apprécier son style d’écriture à la fois narratif, attractif et d’analyse fine, scientifique basée sur une maîtrise parfaite du matérialisme historique et dialectique d’un dirigeant politique et un grand maître du journalisme militant. Et je crois à mon humble avis, que Mahmoud LATRECHE, qui avait eu plusieurs métiers dans sa vie (manuels et intellectuels) a été surtout un brillant journaliste devenu avec le temps chevronné de la plume politique au courant de sa vie militante. Comme dans tous mémoires, il y’a une part de non-dit que l’on peut déduire après une étude approfondie et la confrontation avec d’autres mémoires et sources se rapportant aux mêmes faits et évènements. Cette partie est amputée d’une seule page – comme le souligne l’historien Maher ECHARIF – mais celle-ci est importante car relative à d’autres renseignements sur l’identité du beau-père de Mahmoud et Tahar.(3)
ORIGINES DES PARENTS DE MAHMOUD EN ALGERIE:
Les parents de Mahmoud sont algériens. Son père qui s’appelle Hadj Rabah BENALI était à la fois maçon et paysan, originaire du village Aïn Eddis ( Ouled Brahim El Ghoul ) à quelques encablures de Boussaâda en Algérie. A la fin de sa vie professionnelle, il devint gardien au moulin ‘’Berghem’’ dans la ville d’El Qods. Sa mère s’appelle Halima; elle est la fille d’Ahmed KHELIFA du village d’Aït Khelifa non loin de la ville de Tizi-Ouzou en Algérie. Elle exerçait le métier à tisser dans le domicile de son père pour le compte de certains commerçants à Damas. Ensuite, elle avait déménagé avec ses parents dans un village montagneux habité par un grand nombre de refugiés algériens de la Kabylie dénommé ‘’Deychoum’’ qui est situé au nord de la Palestine et limitrophe des frontières libanaises, où elle s’était mariée avec son père, et d’où elle est partie avec lui à El Qods pour y demeurer. Mahmoud pensa mythiquement que son père l’avait inscrit avec ce prénom en souvenir de l’un de ses amis qui l’avait poussé à partir à la Mecque pour le pèlerinage, et de là, il s’installa en Palestine à El Qods. Halima KHELIFA, la mère de Mahmoud lui contait souvent la résistance farouche de son peuple contre le colonialisme français, et il parait que ses parents se sont refugiés en Syrie, passant par la Tunisie et le Hedjaz, après l’épopée de 1871, en Kabylie. Son grand-père maternel était maquignon d’ovins. Elle lui décrivit toujours son pays d’origine et sa capitale Alger, comme un joyau idyllique qui dépassait de très loin Tel-Aviv, limitrophe à la ville principale – Yafa ou Jaffa – où sa conscience de classe s’était tôt éveillée à la vie syndicale et politique.(4)
ENFANCE ET ADOLESCENCE DE MAHMOUD:
Mahmoud est natif d’El Qods, à côté de la rue dite El Boreq (mur des lamentations), dans le quartier des maghrébins le 25 juin 1904, et avait été inscrit par le service d’orphelinat à l’époque turque, le 31 décembre 1903, parmi les habitants du quartier ‘’Bab Essilsila’’. Son père est mort six (06) mois après sa naissance. Il avait deux sœurs -Zohra et Amina-(de son père), que l’oncle maternel Cheïkh Hamza avait adoptées et un frère -Mohamed-, alors que sa mère s’était remariée, forcée, à peine un an après la mort de son père, et sa famille avait déménagé à Jaffa (Yafa).(5)
Sa mère lui racontera qu’il fréquenta l’école coranique très tôt, dans la ville de sa naissance El Qods en bas âge; et il avait appris le Coran en entier à l’âge de 10 ans! Son premier métier à l’école coranique même, était la vente de la confiture de poire pour le compte de son vieil maître, pendant la recréation. Ensuite, en 1913 et 1914, entre l’âge de 9 et 10 ans, il exerça divers métiers, en qualité de travailleur saisonnier, liés à l’orangeraie, comme portefaix, vendeur ambulant et emballeur dont Yafa était à l’époque très réputée mondialement.(6)
Grâce à la base de connaissance acquise dans l’école coranique, où il avait aussi appris les principales notions élémentaires du calcul, et à sa passion de lecteur autodidacte féru de récits et de contes, Mahmoud s’inscrivit à l’école élémentaire d’Er-Rachidia à Yafa pendant la première guerre mondiale (en 1914),directement en seconde année. Lorsqu’il s’avérera que son niveau était plus élevé que sa classe, il passa en première année moyenne après des examens effectués par le directeur de l’école lui-même, dans toutes les matières. Au printemps 1917, alors qu’il lui resta deux années pour terminer ses études secondaires, à cause de la guerre et de l’armée coloniale britannique qui s’apprêtait à attaquer la ville méditerranéenne de Yafa, sa famille évacua leur demeure et préféra s’installer à Tabaria où résidaient ses deux sœurs ( de sa mère ) mariées avec leurs cousins – l’ainée s’appelle Fatma et la cadette Aïcha – et aussi les familles de ses oncles maternelles, tous mobilisés dans l’armée turque.(7)
Mahmoud va exercer plusieurs métiers très durs à la campagne, à l’âge de 13 ans, avec son jeune cousin Moussa de 15 ans, comme le désherbage des champs de blé, d’orge et avec son jeune demi-frère (de mère) Tahar, comme le ramassage des tiges de blé après les moissons dans le village ‘’ Ma’dher ’’ habité par les algériens (Arabes et Kabyles). Il va encore vivre dans le dénuement presque une année – à partir de l’automne 1917 – comme pensionnaire dans la campagne chez la famille de Si Madani, originaire d’Algérie d’Ouled Brahim El Ghoul, au village dénommé ’Awlem. Il approvisionnera d’abord les ouvriers agricoles en nourriture, il exercera comme berger de taureaux et leur engraissement, ainsi que de chevreaux qu’il abreuvera; il transportera les grains au moulin … Il décrira l’expropriation et l’exploitation des ouvriers agricoles et des khammès algériens par les nouveaux exploiteurs issus de la famille de l’Emir Abdelkader qui avaient tourné le dos aux idéaux du héros de la résistance algérienne et qui s’allierons avec la nouvelle administration coloniale…(8)
En été 1918, la mère de Mahmoud qu’il adora, était venue comme promis habiter avec lui au village ‘Awlem. Elle était fière de son fils et prévoyait qu’il deviendra à l’avenir un travailleur; elle l’appelait Hammouda. Il travailla encore dans les champs pendant les moissons dans le transfert des sacs de grains récoltés. En août de la même année, Mahmoud entama déjà sa première grève de la faim à l’âge de 14 ans, l’agriculteur avait tenté de le doubler par son jeune frère Tahar, mais par enchantement la jument s’était solidarisée avec Mahmoud et n’a pas voulu obéir à son frère ; alors son patron avait supplié sa mère pour qu’il reprenne son travail. Et lorsque Mahmoud avait repris le travail, suite à la satisfaction de sa revendication (amélioration de sa nourriture), la jument – attachée à lui – a repris aussi avec lui et elle avait même ‘’dansé ’’ de joie, tellement il prenait soin d’elle et l’affectionnait.(9)
En automne 1918, la famille _ beau-père et petit frère _ était retournée dans leur demeure à Yafa au quartier mixte arabo-juif ‘’Manchiya’’, après la maladie et le décès de la mère de Mahmoud qu’il avait enterrée avec l’aide des habitants du village. Sa disparition le marqua à vie, tellement il lui était resté attaché comme orphelin de père. Il comptait reprendre ses études, après une absence d’une année et ce retour à Yafa – à la fin de la première guerre mondiale – mais le colonialisme britannique avait abolit l’enseignement gratuit. Son beau- père le découragea en le forçant à travailler pour manger lui avait-il dit. Alors, il prospecta du travail comme apprenti en menuiserie, en soudure, comme cheminot, aide-cuisinier chez les soldats anglais…mais entre-temps, il faisait la vente ambulante des oranges aux soldats juifs américains. Ensuite, pendant quelques mois, il travailla dans un magasin de vente de charbon, de bois (qu’il découpait péniblement) et de pétrole. A la fin de l’été 1919, à l’âge de 15 ans, Mahmoud travaillera comme manœuvre en maçonnerie dans la construction privée. Il était très serviable dans son quartier mixte arabo-juif, avec les voisins en leur rendait souvent service gratuitement et sans distinction aucune, dans divers bricolages domestiques. Depuis l’enfance, il se caractérisait par l’honnêteté et la révolte contre toute forme d’injustice, traits de sa personnalité avec lesquels il grandira. Son destin d’orphelin de père, tout nouveau né, et de mère en pleine adolescence le confrontera à la dureté de la vie sociale. Il apprendra la résistance à l’inégalité et à l’oppression par la solidarité de classe, familiale, et populaire. La foi, la science, la culture et l’art joueront un grand rôle dans son éducation et sa formation éthique et esthétique. Alors que son imagination et sa mémoire prodigieuse se développèrent grâce à l’école coranique et à la lecture.(10)
PRISE DE CONSCIENCE DE CLASSE ET POLITIQUE:
Sa toute première expérience syndicale, il voulait la tenter dans l’organisation ‘’histadrout‘’ et se rendra compte de son caractère sioniste, en refusant les arabes dans ses rangs et l’égalité dans tous les domaines entre travailleurs arabes et juifs. Déjà qu’il avait remarqué le changement subit de l’attitude des juifs envers les arabes sous l’occupation turque et celle des nouvelles autorités britanniques. Le mouvement d’émigration juive augmentait de façon vertigineuse, encouragé par la nouvelle tutelle coloniale et les colonies sionistes s’implantèrent partout et par tous les moyens dans un contexte marqué par le traité dit ‘’Sykes-Picot’’, et la déclaration de ‘’Balfour’’ qui contenait la promesse de la création de l’Etat juif en terre de Palestine, d’où la prise de conscience antisioniste et anticolonialiste précoce chez Mahmoud le jeune ouvrier. En projetant le rassemblement des ouvriers du bâtiment et les dockers de Yafa, avec certains de ses amis, dans leur propre quartier dit ’Manchiya’, Mahmoud verra leur initiative entravée par une grande Kermesse en été de l’année 1924, qui donna naissance à ‘’ l’association de la jeunesse musulmane ’’. Ce qui allait encore compliquer davantage la réalisation de leur projet de création d’un syndicat des travailleurs du bâtiment, à cause du manque d’expérience, de l’encadrement et des moyens. Il va donc adhérer à cette association et y contribuer par un travail technique, mais il sera vite déçu – en ne trouvant pas ce qu’il recherchait – par les responsables qui ne voulaient entendre parler ni de droits des travailleurs, ni de syndicats, et encore moins de politique…de crainte d’être dissoute par l’autorité coloniale.(11)
Mahmoud présenta une pétition revendicative des travailleurs du bâtiment à un patron arabe qui les employés qui l’avait giflé suite à cette action courageuse. Il réussira avec certains de ses amis maçons à créer une coopérative de construction à Yafa en réaction au chômage endémique qui toucha cette catégorie de travailleurs, à la ségrégation sioniste en matière d’emploi , à la concurrence des entrepreneurs et artisans – juifs et arabes – pour l’obtention de projets de l’Etat et de la municipalité. Son acharnement pour la réalisation du projet de création d’un syndicat des ouvriers du bâtiment était dû à l’expérience du transfert d’un ouvrier blessé, chez un médecin qui lui exigea une forte somme d’argent pour les soins nécessaires. Et lorsque Mahmoud, trouvant le prix exorbitant, avait comparé celui de la consultation médicale dérisoire en Europe au profit des travailleurs, le médecin lui expliqua que là-bas il existe des syndicats qui font leur rôle pour la prise en charge par le patronat de ces soins d’accident de travail.(12)
Grâce à son travail assidu dans ce secteur pendant quelques années, il avait réussi à acheter la part de son oncle paternel et son frère du terrain hérité de sa mère et y avait construit progressivement une habitation qu’il loua d’abord pour une année et qui deviendra une planque centrale du parti et de la jeunesse communiste et de sa littérature, lorsqu’il y adhéra quelques temps après, dans le quartier ‘’ Manchiya ’’ à Yafa, ville palestinienne limitrophe de Tel-Aviv.(13)
Un certains nombre de bouleversements politiques marquants, à la fois de dimension internationale, régionale et locale vont contribuer à la maturité politico-idéologique de Mahmoud LATRECHE à la fin de son adolescence et au début de sa jeunesse, en sa qualité d’ouvrier lettré en arabe et maîtrisant déjà l’hébreu. Tout d’abord l’écho de la révolution socialiste d’octobre qui parviendra à sa connaissance par divers moyens. Et ensuite l’intifada d’El Qods de 1920 et celle de Yafa suite au défilé du 1er mai 1921 qui déboucha sur un massacre d’arabes et de juifs par centaines. En hiver 1923, déjà une manifestation antisioniste et anticolonialiste a été initiée par les jeunes qui vont adhérer par la suite à la jeunesse communiste, dont la majorité parmi les ouvriers du bâtiment, comme Mahmoud et son frère Tahar le maghrébin. Quelques révolutions démocratiques bourgeoises en Egypte, en Turquie et anticoloniales en Syrie, en Irak, au Rif marocain vont avoir des répercussions directes en Palestine occupée aidant à l’élévation du niveau de conscience et de la combativité des masses opprimées et de l’avant-garde révolutionnaire.(14)
L’ADHESION DE MAHMOUD AU PARTI COMMUNISTE:
Le jeune Mahmoud LATRECHE commencera à connaître l’organisation de la jeunesse et du parti communiste palestinien en 1924 à Tel-Aviv et Yafa et à s’y lier, au moment où ce dernier venait juste de s’affilier à la 3éme internationale – Komintern – après sa création récente en 1919 sous l’appellation de parti socialiste des travailleurs par des émigrés juifs venus d’Europe, en assistant régulièrement aux réunions de cellule et de l’assemblée générale et de son activité multiple même s’il n’y adhérera formellement qu’en décembre 1925. Alors que l’influence des idées socialistes sur lui avait déjà commencé, bien avant, au contact de la presse et de gens dans le sillage des échos de la révolution d’octobre 1917 et le congrès des peuples musulmans de Bakou en 1920 organisé par le Komintern qui venait de naître lui aussi en 1919. Dans son célèbre quartier mixte, arabo-juif, Manchiya plusieurs cellules se sont créées dont celle des ouvriers du bâtiment et des fours (il en était le responsable), celle des menuiseries et d’autres. Et au début de l’année 1926, un ‘’club de l’union’’ venait d’être crée par le parti communiste palestinien et sa jeunesse, qui avait son siège dans la partie juive de la même agglomération, dont Mahmoud sera membre et responsable chargé de l’organisation de la jeunesse arabe.(15)
A l’occasion du second anniversaire de la mort du célèbre Vladimir Ilitch OULIANOV dit LENINE, en 1926, Mahmoud qui avait une grande admiration pour lui, donnera une conférence sur son itinéraire et la révolution bolchevique. A cette occasion, un jeune lui posera la question sur la possibilité de l’application du communisme en Palestine tel qu’en Russie. Il répondra que non, d’après LENINE lui-même, mais qu’il s’appliquera selon les conditions particulières de chaque contrée, et que chaque pays aura sa propre voie au communisme.(16)
Il relatera son expérience à ses débuts dans la solidarité avec la révolution syrienne, notamment par les journaux muraux avec des jeunes communistes, malgré tout l’harcèlement policier. Le travail d’attirance par la persuasion de jeunes d’un club sioniste vers le ‘club de l’union’, communiste. Dans son activité politique, toutes ses discussions avec les révolutionnaires juifs étaient basées sur le critère d’appréciation des positions de LENINE. Il était engagé dans la bataille des municipales de Yafa, où il allait acquérir l’expérience de la tactique électorale au début de l’année 1927 avec la jeunesse communiste, et le travail de propagande à travers une publication intitulée ’l’ouvrier arabe’. Comme il participera aux manifestations du 1er mai 1927 avec la jeunesse communiste aux côtés des travailleurs juifs à Tel-Aviv et apprendra la confrontation aux forces répressives. Il fera sa première expérience de prison due au faux témoignage d’un juif yéménite, pendant deux jours et devant le tribunal qui l’acquittera, il criera ‘’vive la justice’’…(17)
LA FORMATION A L’UNIVERSITE DES PROLETAIRES DE L’ORIENT DE MOSCOU:
En été 1927, vers le 15 août, Mahmoud partira à Moscou, via le port d’Odessa pour étudier pendant trois années -au lieu de quatre comme prévu- à la célèbre université de Moscou chargée de la formation des futurs cadres communistes appelés à diriger les tous nouveaux partis communistes dans leurs pays colonisés respectifs. En arrivant à Moscou au début du mois de septembre, il se recueillera d’abord sur le mausolée de LENINE. Il s’était inscrit à l’année préparatoire pour apprendre le russe et les sciences préliminaires. Et comme son arrivée en URSS coïncidera avec la célébration du 1Oéme anniversaire de la révolution d’octobre qui sera fêtée de manière grandiose, il va être impressionné par les divers défilés et manifestations de tous genres. Pendant ce tout premier séjour en URSS, il sera marqué par l’enthousiasme des masses populaires et de la classe ouvrière dirigées par le parti communiste, dans la diversité des peuples de l’union, par la justice sociale instaurée entre tous les membres de la société, la solidarité internationaliste avec les peuples luttant contre le colonialisme, l’égalité des sexes, entre civils et militaires dans l’approvisionnement quotidien et la lutte contre l’opposition trotskiste qui caractérisait cette période dont il décrit le sens.(18)
La question de ‘’l’arabisation’’ des partis communistes était posait déjà par le komintern, dont en particulier celle du parti communiste palestinien dominé dans sa direction par ses fondateurs juifs européens. Elle fera l’objet d’une longue et âpre bataille. Mahmoud dirait que par la suite, leur direction avait regretté de les avoir envoyés à Moscou et un élément qui les avait rejoints – Nobkhki – ne cessa de les épier et leur créer maints problèmes avec les soviétiques. Les étudiants de l’ensemble du monde arabe auront leur organisation spécifique et une vie politique au sein de l’université. Mahmoud sera élu leur représentant. Il sera chargé de la propagande et rédacteur en chef de leur journal mural ‘’la foudre’’. Ils vont étudier le marxisme-léninisme en philosophie, économie politique, histoire… et même avoir une instruction militaire. La planification sera étudiée à travers l’exemple du projet du 1er plan quinquennal en 1929 qui sera élaboré et réalisé par le peuple sous la direction du parti communiste. Et le droit à la pratique de la critique et l’autocritique dans le travail – qui sera honoré -sera la colonne vertébrale du succès, dira Mahmoud. Mais son euphorie entraina des erreurs, surtout dans l’agriculture où des responsables ont imposé de façon volontariste le système coopératif aux paysans alors que toutes les conditions objectives n’étaient pas encore réunies. Le parti en fera la critique nécessaire dans le temps.(19)
En août 1929, et dans un contexte marqué par l’extension de l’immigration massive des juifs en Palestine, encouragée par le colonialisme britannique et impulsée par le congrès sioniste mondial tenu à Zurich, s’était déclenchée l’intifada nationale palestinienne. Elle avait mis à nu l’attitude chauvine et paternaliste de la direction du parti communiste – qui s’était retrouvée isolée – dominée par des juifs dont des sionistes, et avait bien démontré la nécessité de l’accélération de ‘’l’arabisation’’ décidée par le Komintern qui avait bien mûrie. La position collective, par rapport à cette révolution et ses conséquences, de la délégation des étudiants communistes à Moscou, dont Mahmoud LATRECHE, avait développé une thèse – sur la base d’une analyse marxiste-léniniste – opposée à celle du premier secrétaire d’origine juif ‘’Abou Ziam’’ qui mettra en relief le rôle soi-disant ‘’révolutionnaire’’ de la minorité nationale juive en Palestine au détriment des masses populaires arabes, sous divers prétextes. Au contraire celle de Mahmoud et de ses camarades démontra le rôle négatif de cette petite minorité privilégiée au détriment de l’ensemble du peuple arabe, et qui se trouvait totalement sous l’influence sioniste constituant un appendice du colonialisme britannique. Elle ne pouvait qu’être un frein à la future révolution libératrice anti-impérialiste. Cela n’excluait pas, dans leur conception un travail par tous les moyens en direction de la minorité des travailleurs juifs et des forces démocratiques et progressistes pour les soustraire à l’idéologie raciste du mythe sioniste du peuple juif élu et répondre à leurs revendications légitimes dans le cadre globale de la révolution nationale et anticolonialiste. Cette position découlant de l’analyse juste du groupe de Mahmoud, dans le contexte de l’époque, assommera encore d’un coup supplémentaire la direction sectaire et chauvine du PCP, et sur le champ, la section orientale du Komintern décida d’envoyer certains, parmi eux Mahmoud, en Palestine, l’année 1930, pour évaluer l’état du parti. La nouvelle situation issue de cette révolte populaire mettra à l’ordre du jour le mot d’ordre de la réforme agraire par la distribution de la terre spoliée, au profit des paysans pauvres et non son accaparement par les sionistes usant de la ruse…(20)
Mahmoud raconta comment les nouveaux étudiants communistes venu de la Palestine les rejoindre à Moscou, dont son frère Tahar, leur apprendra la tenue du congrès ouvrier arabe à Haïfa en 1930 et le rôle jouait par le PCP dans sa préparation et son déroulement, mais aussi le non suivi de la concrétisation de ses recommandations. Comme il apprendra encore le sort de l’organisation clandestine du parti au quartier Manchiya à Yafa, l’une des plus importantes, qui avait été totalement liquidée, suite à des directives reçues de la direction pour agir ouvertement par des actions d’éclat sous prétexte d’application de la ‘’ discipline révolutionnaire ’’. Mahmoud fera alors un compte-rendu détaillé de tout cela, qu’il traduira au français avec l’aide de l’algérien Bensaïd, pour informer tout son groupe et la section orientale du Komintern de ce qui les attendait à leur retour. Mais le délégué du PCP avec la complicité d’un membre de la section orientale vont lui fomenter un coup bas pour le traduire en conseil de discipline et lui coller un blâme en son absence, sans qu’il puisse se défendre. Il sera absout de cette sanction par le Komintern dés son retour en Palestine.(21)
EMERGENCE DE MAHMOUD COMME DIRIGEANT COMMUNISTE:
A son retour de Moscou, Mahmoud fera une virée de quelques semaines à Istanbul d’où il décrira la situation désastreuse des travailleurs et l’exploitation forcenée des femmes. De la situation politique il notera l’absence de libertés démocratiques… En juillet 1930, il était enfin arrivé à Yafa en passant par Beyrouth. Le secrétariat du PCP lui désignera la ville de Yafa comme lieu d’activité contrairement à la norme de vigilance. Il découvrira un climat de peur parmi la plupart des militants en défection, sauf le cas de deux en relation avec la police, comme il l’apprendra tardivement par la suite en prison. La direction organisera un contact à El Qods pour Mahmoud qui s’avéra infructueux. Il commencera par un travail discret de propagande avec certains milieux, tout rédigeant des tracts et l’organe central clandestin du parti en arabe ‘’Ila El Amam’’ (En avant), et d’autres publications du parti. Sa relation avec ses camarades d’origine juive se renforça quotidiennement, en particulier ceux qui soutenaient la politique ‘’d’arabisation’’. Par contre, il apprendra avec joie que deux de ses grands ennemis, le premier secrétaire Abou Ziam, et un autre secrétaire Nidab ont été rappelés en URSS.(22)
Le premier anniversaire de la révolution palestinienne d’août 1929 avait été limité à une simple commémoration religieuse dans les mosquées sous la pression de ‘‘la commission exécutive arabe’ ‘qui appliquait ce que lui dictait le gouvernement de protectorat complice du colonialisme et du sionisme. Mahmoud avait remarqué le mécontentement populaire contre cette façon d’agir et vérifiera lui-même le boycott même de la mosquée d’El Aqsa à El Qods où prêcha le muphti Hadj Amin Husseini, il y avait à peine une quarantaine de fidèles dans un espace qui peut contenir des milliers. Le PCP condamnera cette attitude dans une déclaration publique. Mahmoud sera appelé à retourner à Yafa pour consolider le syndicat des dockers qui était dirigé par un élément lié à la police. Il donnera l’exemple de certains faits dans les liaisons avec des responsables communistes de pays arabes qui démontraient l’infiltration policière. Il décrira ses rapports de parti avec tous les militants d’origine arabe et ceux d’origine juive dans leurs quartiers respectifs, de sa relation avec leurs familles lorsqu’il animera des réunions à domicile où il dormira. Il était toujours muni d’un tarbouche et d’une kippa et par vigilance il devait se changer plusieurs fois par jour. Il illustrera par des cas, la complicité dans les transactions foncières entre la bourgeoisie, les gros propriétaires fonciers arabes, les sionistes et les impérialistes britanniques, par milliers d’hectares, comme celles des terres d’arabes d’Oued Elhawarith. Le PCP dénoncera aussi par tracts cette spoliation qui se fera entre 1930 et 1933 au profit des colons juifs.(23)
Mahmoud parviendra très vite à faire adhérer la majorité des militants communistes juifs à la politique transitoire ‘’d’arabisation’’ du parti fixée par le Komintern en dissipant les préjugés et les calomnies qu’on leur collait comme l’antisémitisme, pour la réalisation de l’objectif de l’indépendance nationale, étape incontournable du passage à la révolution socialiste. L’obstacle à cette orientation résidait chez quelques responsables de l’appareil issues de la petite bourgeoisie qui n’ont pas réussi à se débarrasser de l’influence sioniste chauvine et de la déviation trotskyste, sur la base de l’internationalisme prolétarien en s’inspirant des enseignements du marxisme-léninisme. Cela coïncidera avec la tenue du 7éme congrès historique du parti communiste palestinien en début 1931 à El Qods qui dura trois jours et constituera le tournant radical dans sa politique. Mahmoud y serait élu l’un des trois secrétaires du bureau politique. La question agraire, la lutte ferme contre le sionisme, le colonialisme, la réaction arabe et pour l’indépendance nationale seront les objectifs principaux du programme élaboré. L’organisation du parti sera conçue à la base selon le cas, de cellule mixtes et dans certains lieux, séparées. Deux éléments retournés de Manchiya par la police de Yafa qui y avaient assisté, feront arrêter un représentant du parti communiste égyptien en route pour l’URSS et fort heureusement que la vigilance de Mahmoud avait sauvé le délégué du Komintern le hongrois HENS qui supervisait ce congrès. Il parlera de son expérience vécue avec un autre cas d’El Qods et sera traité par l’ancienne direction d’avoir une manie de la suspicion.(24)
LA LONGUE LUTTE DE MAHMOUD EN PRISON ET DEVANT LES TRIBUNAUX:
(A suivre)
B.LECHLECH CHERCHEUR-HISTORIEN
NOTES ET REFERENCES:
*Ce titre s’inspire, à la lecture des mémoires, du célèbre roman et du film de N.A d’Ostrovski ‘’ET L’ACIER FUT TREMPE’’. 1) Les notices biographiques réalisées sur feu Mahmoud LATRECHE sont celles de Jacques COULAND, Maher ECHARIF, Abderrahim TALEB BENDIAB et René GALLISSOT. Ce dernier par préjugés et fanfaronnade ose synthétiser le travail des trois historiens cités connus pour leur sérieux et probité, pour porter un jugement de valeur grave sur le regretté Mahmoud LATRECHE par paternalisme, comme s’il avait eu accès à ses mémoires inédits et ses notes kominterniennes. 2) Je n’accuse personne. Pour l’histoire je détermine la responsabilité dans la non-publication de ces mémoires qui relève de la direction d’organisation politique et non de personnes. Je tiens moi-même directement l’information en début 2001 de feu Abdelhamid BENZINE chez lui, qui m’avait dit qu’il y’a 3 parties des manuscrits des mémoires de feu Mahmoud et dont lui en a 1 et les 2 autres sont détenues par Boualem KHALFA. A ma question pourquoi ces mémoires ne sont pas publiées depuis au moins 1981 (après le décès de leur auteur) ? Je n’ose pas rendre publique sa réponse. 3) Peut-être que son demi-frère Tahar et non Ali porte le nom de FERHI (nom de son beau-père d’origine Kabyle), comme en témoigne le regretté A. BENZINE dans son article d’Alger-républicain sur Youri le fils de Mahmoud qu’il avait laissé à l’âge de 4 mois à Moscou en 1938 chez sa mère lorsqu’il partira sur instruction du Komintern pour l’Algérie via la France.
– Mahmoud avait même été journaliste de radio à Berlin-Est lors de son séjour entre 1968 et 1976 en RDA, animant une émission politique en direction du monde arabe. Pendant ce temps, il avait écrit ses mémoires volumineuses.
4) Longtemps, on n’avait pas l’identité exacte de Mahmoud LATRECHE, de ses parents et de leurs origines précises en Algérie et de leurs familles en général. Le nom LATRECHE avec lequel il sera connu par réputation est l’un de ses multiples pseudonymes de militant politique communiste, il le porte en hommage au héros de la révolution syrienne. 5) Ce quartier des Maghrébins à El Qods remonte à l’époque des croisades du temps de Salah Eddine El Ayyoubi et du Saint Sidi Boumédiene qui participa à la résistance et perdra un bras. Il constituera des biens Habous dans ce quartier. 6) Il avait donc étudié entre 6 et 7 ans à l’école coranique à plein temps, devenant avec le temps l’aide de son Cheikh dans la formation des autres enfants, en apprenant le Coran dans sa totalité. 7) La ville de Yafa avait été évacuée en 1917,lors de la 1ére guerre mondiale par l’autorité turque qui mettra des moyens de transport rudimentaires à la portée des habitants, des ânes et mulets pour traverser des centaines de kilomètres. – On comprendra que Mahmoud avait deux sœurs et un frère du côté du père et deux sœurs du côté de sa mère avant leur mariage; ensuite Mahmoud aura son demi-frère Tahar le Maghrébin qui va le suivre dans son itinéraire politique, et faire comme lui 3 années de formation à l’université des prolétaires de Moscou de 1930 à 1933 pour devenir membre du bureau politique et du secrétariat du parti communiste syro-libanais. Il sera expulsé par le colonialisme français en 1935, et retournera à Moscou lorsque Mahmoud était en fonction au Komintern, mais par la suite en perdra sa trace. 8) Son long séjour à la campagne, malgré sa rudesse va le mettre en rapport avec la nature, ce qui est important dans la formation du caractère et l’équilibre psychique. Une fois, à son retour du champ, il cueillit un bouquet de fleurs qu’il avait offert à sa mère ce qui rendra jalouse la mère de son cousin Moussa. – Il comprendra mieux à l’avenir le problème de la terre et la question agraire ainsi que le rôle futur de la paysannerie laborieuse pour entrevoir son alliance avec la classe ouvrière par un travail inlassable du parti communiste dans la voie de la libération nationale et sociale. 9) Mahmoud avait beaucoup souffert de la faim dans son enfance et son adolescence. En présence de sa mère à ses côtés, il prendra sa revanche en exigeant une nourriture convenable d’ouvrier agricole saisonnier. La solidarité instinctive et étrange de la jument avec lui démontre la qualité de la relation qu’il entretenait avec l’animal domestique, surtout celui qui aide l’être humain dans la vie sociale et économique qui mérite toute la protection. 10) Mahmoud l’orphelin avait une grande soif de la connaissance et du savoir. Dans le contexte du joug colonial et du sionisme, il le satisfera en autodidacte – dévorant livres et journaux – tout en travaillant dans divers domaines et en s’engageant politiquement avec un grand esprit de sacrifice et de ténacité. Il aimait en particulier les contes, l’histoire, la poésie et le chant dont il reproduira quelques exemples dans ces mémoires. 11) Il sera confronté tôt au problème du sionisme, qu’il distinguera du judaïsme grâce à sa conscience de classe et sa formation politique communiste ultérieure. Mais cette conscience se développa chez lui sur un socle patriotique lié à l’aspiration légitime de libération nationale de son peuple palestinien dont il se sentait partie prenante. 12) Lorsque la tentative de création d’un syndicat du bâtiment – contrairement à ce que l’on a appris – deviendra difficile, Mahmoud et ses amis créeront d’abord une petite coopérative de la construction comme forme d’organisation, socio-économique non-capitaliste. Il méditera diverses expériences de syndicats, y compris mixtes entre ouvriers-maçons et dockers, car sans doute certains de ses collègues cumulaient les métiers pour gagner leur vie en période de chômage. 13) Il s’autonomisera tôt grâce à son métier et sa maturité précoce en construisant son habitation.La valeur de la location de son logement durant l’année, il la dépensera pour venir en aide à ses sœurs mariées en difficulté. Ce lieu deviendra un local du parti communiste auquel il adhérera et une planque pour sa littérature et celle du parti communiste égyptien… 14) Mahmoud va avoir une attirance particulière pour la révolution bolchevik, dont il contemplera longtemps le bateau Ilitch amarré au port de Yafa en 1920. Un vieux palestinien fait prisonnier et libéré par l’armée rouge à Odessa va lui raconter que des ouvriers comme lui – guidés par leur parti dont le chef s’appelle LENINE – viennent d’effectuer une révolution et prendre le pouvoir pour construire le socialisme, d’où la société sera définitivement débarrassée de toute forme exploitation de l’homme et la justice sociale et le droit y régneront … 15) Le parti communiste palestinien naîtra avec cette appellation en 1923. Mahmoud le jeune ouvrier maîtrisant bien l’arabe et qui vivait dans un quartier mixte, allait être vite sensible à la propagande politique qui lui parvenait par des tracts et journaux et lors des discussions. De facto, il activera dans la jeunesse communiste dés 1924 et deviendra l’un de ses dirigeants à Yafa et dans le quartier Manchiya. Ce qui l’y aidera se sont les orientations de la 3éme internationale qui pousseront le jeune parti communiste fondait par des immigrés juifs à se débarrasser difficilement de l’influence sioniste qui marquera encore certains de ses membres pendant de longues années. 16) A l’âge de 22 ans donc, Mahmoud aidé par ses camarades donna une conférence en hommage à LENINE son guide de toujours dont il dévorera les textes et assimilera les thèses marxistes créatrices vérifiées par la pratique. 17) En quelques années Mahmoud était vite parvenu à émerger comme dirigeant locale de la jeunesse communiste à Yafa accumulant une expérience diversifiée et très aguerri sur le terrain des luttes de masses. 18) Pendant cette période d’essor de la révolution socialiste en URSS, malgré les difficultés économiques et le niveau de vie encore bas, il y’avait la vitalité des masses populaires et de la classe ouvrière dirigées par le parti bolchevik qui imposa la justice sociale palpable à vue d’œil. Mahmoud le sentira en dehors de l’université, dans la vie de tous les jours en fréquentant les lieux de l’art et de la culture. – Il définira le trotskysme tel qu’il l’étudiera comme déviation idéologique caractérisée par un certain nombre de traits comme la révolution permanente ( lors de la transformation de la révolution démocratique bourgeoise en révolution socialiste) qui s’oppose à la dictature du prolétariat, la sous-estimation de l’alliance avec la paysannerie et son rôle révolutionnaire, l’impossibilité de la victoire du socialisme dans un seul pays, la militarisation de la vie syndicale et sa bureaucratisation, la phraséologie petite-bourgeoise, le travail fractionnel… Et il dira que pendant cette période, ce courant constituait un danger pour la jeunesse révolutionnaire notamment celle issue de l’intelligentsia, par contre les vieux militants bolcheviks étaient assez avertis et immunisés par rapport à lui. 19) C’est en marge du 6éme congrès du Komintern en 1928 et sous son impulsion que l’orientation de ‘’l’arabisation’’ avait commencé ; elle avait touché y compris l’Algérie colonie de peuplement, dont trois membres dans la délégation du PCF – Boualem, Taïeb (qui est resté à l’université) et Bensaïd se réunissaient avec Mahmoud et ses camarades. Les opposants à cette orientation, sous prétexte de bolchevisation, les calomniaient de nationalistes, antisémites … et ils complotaient contre eux comme ce Nobkhki qui avait été exclu de l’université et retourna en Palestine. Mais il y’avait le soutien ferme de la direction du Komintern en leur faveur. L’enjeu était le rôle prédominant dans la direction des jeunes partis communistes des pays colonisés et par conséquent d’abord la lutte pour la concrétisation du mot d’ordre d’indépendance nationale. Toute l’histoire est jalonnée par cette problématique et du rapport entre les trois composantes du mouvement révolutionnaire mondial à savoir le monde socialiste, le mouvement ouvrier des pays capitalistes et le mouvement de libération nationale. L’exemple de l’Algérie a des similitudes avec la Palestine. – A l’université de Moscou, Mahmoud et ses camarades avaient surtout développé leurs capacités d’analyse politique concrète des situations et l’étude marxiste-léniniste des réalités de leur pays la Palestine et du monde. 20) Pendant son premier séjour sur trois à Moscou Mahmoud porta le pseudonyme de Murad. Sa longue maîtrise du journalisme se renforça, après celle de Yafa, en ce moment par ce journal mural ‘’la foudre’’. – Ce NOBKHKI –personnage étrange– avait déjà au départ menacé Mahmoud de le dénoncer à la police de Yafa s’il ne proposait pas sa participation avec eux pour le départ à l’université de Moscou ! Il le rejoindra juste après. – La ligne politique générale du Komintern pendant cette période, comme on le sait, était ce qu’on appelle ‘’ classe contre classe ’’ qui évoluera après dans le contexte de la montée du fascisme en ‘’ front antifasciste ’’. – L’année 1929 aussi est marquée par la crise économique mondiale du capitalisme, et ce jusqu’en 1933. – La politique ‘’d’arabisation’’, comme l’expliquera Mahmoud n’était aucunement un chauvinisme contre les membres juifs du parti communiste palestinien, mais une étape historique qui correspondait à la révolution démocratique anti- coloniale et de libération nationale qui précède objectivement la révolution socialiste qui concerne d’abord le peuple palestinien dans sa lutte légitime contre la domination britannique et ses alliés sioniste et réactionnaire arabe et la satisfaction de ses aspirations nationales. Mais l’idéologie social-démocrate colosionisationniste entrava ce processus. 21) Les deux personnages – opposés à ‘’l’arabisation’’ – qui avaient fomenté ce coup à Mahmoud vont quelques temps être exclus du MOCI. Ce sont les nommés Nidab et Médiar. – A la même année du centenaire aura lieu un congrès ouvrier arabe à Alger. – La liquidation totale de l’organisation du parti au quartier ‘Manchiya’ ne pouvait être réussie que par un noyautage policier de la direction. Cette opération avait permis le retournement d’éléments dont Mahmoud ne sera pas informé à son retour, ce qui allait lui nuire beaucoup. 22) L’orientation capitaliste de Mustafa ATATURK ne pouvait que débouchait sur une misère sociale pour le peuple. – Mahmoud cite ses camarades communistes juifs qui soutenaient la politique ‘’d’arabisation’’, en fait l’orientation du komintern, comme Schwartz, Afromschi, Frame Fuzik, Retz Guibert et d’autres avec lesquels sa relation se solidifia. 23) Mahmoud sentira la différence de sensibilité entre communistes juifs et arabes dans les réunions de cellules qu’il animera. Le sentiment national légitime ne pouvait être occulté par l’esprit commun de classe en Palestine chez tous. – Il indiquera une grande famille libanaise nommée Al Ettiyan qui avait enregistré en son nom ces terres à l’époque turque par le moyen de la corruption. Il citera les organisations sionistes Hakiren Hakyimet, Kiren Heysud (caisse nationale juive) créée en 1901 qui s’empareront de ces terres quatre ans après l’avoir payée à cette famille, par peur des paysans, juste après la révolution de 1929 avec l’aide de l’armée, de la police et des milices sionistes. Hadj Amine El Husseini ne les avait pas alors aidés à l’acheter par la caisse des biens habous grâce à la pression du gouverneur britannique de la ville d’El Qods. 24) Les trois secrétaires de ce congrès de ‘’l’arabisation’’ sont Nadjati SIDQI (1er secrétaire) , Joseph BERGUER et Mahmoud LATRECHE. Le second continuera à s’opposer sournoisement à la nouvelle ligne politique, jusqu’à finir dans le camp du sionisme. Le premier se retirera hors du parti vers la fin des années trente. – Dans cette première partie des mémoires de Mahmoud LATRECHE, on notera en filigrane une série d’enseignements en matière de vigilance – politique et pratique – par rapport à la police politique. Divers de ses procédés sont passés au crible fin de l’analyse, à travers des cas et d’expériences concrètes; de la simple filature, au noyautage et à l’infiltration, au retournement de militants, à l’emprisonnement, en passant par la provocation, la fabrication du faux, l’assassinat déguisé, la torture, … et de la façon dont les militants doivent se comporter et de s’armer pour y faire face et protéger l’organisation afin de permettre la continuité du combat et la perpétuation de la lutte au profit de la classe ouvrière et pour l’idéal communiste.