« Génocide » en Chine vs Apartheid en Israël : un cas d’école de l’indignation sélective occidentale par Tom Fowdy.
Par Tom Fowdy.
Publié le 6 février 2022/Réseau International
Israël dénoncé pour crimes contre l’humanité ? Silence assourdissant. La Chine dénoncée pour un génocide imaginaire contre les Ouïghours ? Cascade de gros titres.
Plus tôt cette semaine, Amnesty International a publié un rapport qualifiant Israël d’« État d’Apartheid » et l’accusant de « crime contre l’humanité » dans son traitement des Palestiniens. Malgré la gravité de ces conclusions et la large diffusion du rapport sur les réseaux sociaux, la réponse politique et médiatique à celui-ci a été, comme on pouvait s’y attendre, quasi inexistante.
La vidéo d’Amnesty International déjà victime d’un shadowban ou autocensure sur Youtube (non répertoriée). Lire également sur Amnesty France Israël : les Palestiniens sont victimes d’un apartheid
En effet, le Premier ministre australien Scott Morrison a rejeté le rapport, se contentant de remarquer qu’« aucun pays n’est parfait », tandis que le département d’État américain l’a ouvertement attaqué dans son point de presse quotidien.
La BBC, qui couvre de manière régulière les questions relatives aux droits de l’homme en Chine et met un point d’honneur à amplifier tout rapport publié par Amnesty sur Pékin – y compris en publiant un article qualifiant la région du Xinjiang de « paysage d’enfer dystopique » – a également commodément omis les informations concernant Israël de la première page de son site Web. Elle a été critiquée par certains sur les réseaux sociaux pour ne pas avoir présenté le rapport d’Amnesty accusant Israël d’Apartheid dans son programme phare d’information télévisée (consacrant à la place du temps à un reportage sur le jeu de mots-puzzle, Wordle).
En un mot, un pays a été accusé de crimes contre l’humanité dans un rapport détaillé, et les États-Unis et leurs alliés l’ont simplement ignoré. Les mêmes personnes qui faisaient beaucoup de bruit dans la région chinoise du Xinjiang étaient en quelque sorte indisponibles pour commenter.
Sans vouloir aborder les mérites spécifiques de ce qu’Amnesty prétend concernant Israël, il y a une question plus large qui mérite d’être examinée ici : celle de comprendre comment les réactions comparées aux questions liées à Israël et à la Chine marquent une démonstration ferme de la façon dont la rhétorique des droits de l’homme est militarisée de manière opportuniste et manipulatrice dans le discours politique et médiatique occidental comme un moyen de faire avancer des objectifs de politique étrangère.
Tout simplement, il y a une incohérence notable et délibérée dans le niveau d’attention et d’urgence accordé à certaines questions, ce qui montre comment les droits de l’homme sont utilisés comme un bâton pour façonner l’opinion publique au lieu d’être une véritable préoccupation.
Cela fait partie d’un processus connu sous le nom de « fabrication du consentement », par lequel la propagande basée sur les atrocités est utilisée pour créer une opposition émotionnelle et politique aux pays ciblés pour des raisons géopolitiques, mais n’est jamais utilisée de manière sincère et cohérente. Les réactions au rapport d’Amnesty sur Israël, comparées au traitement réservé par la Chine au Xinjiang, constituent une étude de cas importante pour démontrer ce manque de sincérité.
L’idéologie libérale occidentale est capable de manipuler l’opinion facilement à travers les hypothèses qu’elle transmet à ses propres populations concernant sa propre identité. En Occident, les nations considèrent qu’elles possèdent un état ultime de lumières politiques et que leurs valeurs constituent une vérité politique et morale absolue. Dans ce contexte, ces valeurs et la « démocratie libérale » ne peuvent jamais être utilisées de mauvaise foi, de manière non sincère ou opportuniste.
Cette pensée est dérivée de l’héritage du christianisme, où un côté a la vérité et agit avec une intention pure, et l’autre non. Cela façonne la vision occidentale du monde comme un affrontement binaire entre le bien et le mal, et inculque la conviction que l’Occident a un droit divin de projeter ses valeurs sur les autres.
Ce point de vue, cependant, nie la réalité que les gens sont au fond motivés par l’intérêt personnel et qu’il est caractéristique du comportement social humain d’utiliser des sentiments de valeur pour faire avancer ses propres intérêts.
Les droits de l’homme sont indéniablement importants. Cependant, il est faux de supposer qu’ils existent à un niveau supérieur au monde matériel dans lequel nous vivons, et que toute rhétorique moraliste est globalement distincte des intérêts financiers et politiques.